Allez, je vais jouer franc-jeu : en commençant ma série « Le top 5 de la BD », je n'avais que trois titres en tête. Mais je pensais bien avoir des découvertes extraordinaires dans l'année sur laquelle la saga allait s'étaler… ce qui me plaça finalement face au délicat problème de choisir sans recul les deux nouveaux élus. J'ai hésité avant d'inclure « Zorn et Dirna », longuement considéré « Berceuse Assassine » pour finalement trouver mon dernier candidat : « la vengeance du comte Skarbek », scénarisé par Sente et dessiné par Rosinski.
L'œuvre est divisée en deux épisodes : une histoire à la
fin tranchée, et pas une saga extensible à l'infini qui se
délaie avec le temps ; deux tomes parfaitement découpés,
avec un scénario aux multiples rebondissements.
Sans trop en dire, on se trouve face à une histoire sordide de
vengeance magistralement orchestrée, dans laquelle le lecteur
est brinqueballé d'un bout à l'autre sans savoir qui
croire ; une caractéristique normalement exclusivement
réservée aux livres. Jusqu'à la dernière page, les
retournements s'opèrent, brillamment amenés avec ce génie qui
laisse le lecteur pantois, plongé dans l'amertume du
« j'aurais dû le deviner ». Cette honte du lecteur –
quoique fort normale face à l'excellence de l'histoire – est
sublimée par les très nombreux détails graphiques dissimulés
par Rosinski à travers les deux ouvrages : ces détails
prennent tout leur sens à la relecture, lorsque la trame
connue permet de noter à l'avance les comportements étranges
de certains personnages qui viendront éclairer autrement le
récit. Mais à la première lecture, on passera forcément à
côté, pressé que l'on est d'en savoir plus, quitte à survoler
du regard les « images » à l'esthétique de peinture
à l'huile.
Sente mêle dans un même récit vengeance, peinture, pirates, femmes et argent mais sans donner dans le rocambolesque, au contraire « la vengeance » est ancrée dans notre monde par de multiples allusions à l'Histoire et à ses personnages : une caractéristique appréciable qui poussera le lecteur curieux à faire des recherches pour en savoir plus !
Bref, un roman très sombre qui ravira tout ceux qui souhaitent
redonner à la BD ses lettres de noblesse et la sortir du genre
de divertissement puéril dans lequel le Journal de Mickey l'a
confinée.
Je n'y regrette qu'une chose : certaines cases à l'allure
trop Thorgal. Mais c'est le prix à payer pour avoir les
illustrations de Rosinski !